édito

Austérité, un outil au service
de l’ultralibéralisme

Les gouvernements passent, l’austérité demeure. L’injonction est tombée ! Il va falloir faire l’effort de trouver 50 milliards pour, en 2025, arriver à 5,4 % de déficit public (6,1 % en 2024). Les coupes budgétaires, pour diminuer drastiquement de plus de 23 milliards le budget de l’État, frappent indistinctement des ministères qui, pour éviter l’aggravation de la situation économique et servir les intérêts de tout un pays, mériteraient, au contraire, des investissements : ministère du Travail (qui subit une coupe dans les aides à l’apprentissage), enseignement supérieur, recherche, écologie, agriculture…

Pour justifier sa politique, le gouvernement peut s’appuyer sur les rapports d’une Cour des comptes « aux ordres » qui, toujours au moment opportun, et « dans le bon sens », publie des recommandations pour les finances publiques, les systèmes de retraite, les services publics, sans oublier, ce qui nous intéresse particulièrement, La Poste. Ainsi, grâce à elle, le 20 février dernier, nous avons appris que le système de retraite « devrait » se dégrader pour une durée de 20 ans. Il est donc nécessaire, pour pallier ce problème, d’augmenter la durée de cotisation (44 ans au lieu de 43) et générer ainsi 5,2 milliards d’économie, reculer l’âge de départ (65 ans au lieu de 64) pour 8,4 milliards de plus et sous-indexer d’un point les pensions.

Bien qu’elle avance la solution de l’augmentation du taux de cotisation qui rapporterait entre 4 et 8 milliards, elle ne reconnait pas ce que ce que FO n’arrête pas de dénoncer : le déficit est, en premier lieu, dû aux insuffisances de recettes et non à un excès de dépenses. À l’argumentation spécieuse de cette Cour, dont la légitimité dans ce débat est contestable (n’y a-t-il pas le COR ?), qui préconise de s’attaquer à la protection sociale, nous opposons que 6 milliards de déficit du système de retraite sont peu de chose face aux 173 milliards d’aides publiques aux entreprises qui ont été distribués sans aucune contrepartie.

L’austérité s’est également installée dans nos entreprises. Voilà bien longtemps que les salaires stagnent, concomitamment au gel du point d’indice des fonctionnaires. Les négociations salariales annuelles obligatoires (NAO) sont toujours des moments pénibles et frustrants. Nos camarades de la Branche Télécom viennent d’y arracher 1,8 %. Si cela est positif au regard de l’inflation, estimée par l’INSEE, en février dernier, à 0,8 % sur un an, ça ne résout pas le mal être des personnels confrontés, dans ce secteur, à des salaires de misère. Après plusieurs années sous le signe du rabais, générant une perte de pouvoir d’achat des salariés imposée par un taux directeur inférieur à l’inflation, FO Com revendique que, au regard des résultats, la Direction d’Orange sorte enfin de la disette salariale et reconnaisse la valeur du travail de ses salariés par de substantielles augmentations collectives et individuelles.

Par contre, à La Poste, 2025 s’annonce comme une année blanche : pas d’accord à la Banque Postale, pas d’accord dans les filiales (Chronopost, Viapost, Docaposte, DPD….) tout comme au sein de La Poste maison-mère où les propositions se sont apparentées à de l’indécence.

Ces politiques d’austérité salariale sont, souvent, en contradiction avec les résultats annoncés. Orange affiche des résultats « solides et en ligne avec la stratégie « Lead the Future » qui permettent une reprise des investissements. La Poste parle également de solidité : « un [résultat] des plus importants de notre histoire » qui témoigne « de la solidité du modèle stratégique de La Poste » a déclaré son PDG. Cette solidité, en partie possible grâce à la contribution de la CNP et aux bons résultats de Géopost (15 milliards de chiffre d’affaires), est d’autant plus à souligner que la sous-compensation de l’État pour nos missions de service public obère de 1,2 milliard les comptes du Groupe.

Contrairement à toute logique, cette bonne santé affichée des entreprises n’entraîne pas, corrélativement, des hausses de salaires. Cette année encore, pour la reconnaissance, les salariés repasseront...

Les citoyens, quant à eux, doivent toujours « payer » : moins de service public, plus d’injustice fiscale à quoi s’ajoute la remise en cause du système de protection sociale. Non, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, l’austérité n’est pas un passage obligé. C’est un bien un « outil » au service de l’ultralibéralisme !

Alors que les cotisations sociales ne financent plus que 49 % des 645 milliards d’euros de recettes des régimes de base (contre 95 % en 1980), rappelons que, si l’égalité salariale prévue dans la loi depuis 1972, était respectée (les femmes perçoivent encore 23,5 % de moins de rémunération que les hommes) ce serait près de 6 milliards d’euros de plus qui rentreraient dans les caisses de la protection sociale.

Notre combat syndical demeure indispensable, crucial. Nous sommes bel et bien confrontés à un système politique et économique du « toujours plus de profit ». La crise a bon dos. Nos médias, «  pleureuses » stipendiées par les pouvoirs qui se succèdent pour nous convaincre de devenir « raisonnables », devraient se souvenir d’un passé récent : il y a 80 ans, la France d’après-guerre, exsangue, avec un PIB nominal aux alentours de 10 milliards d’euros créait la Sécurité Sociale. Le PIB s’élève, aujourd’hui, aux alentours de 3 000 milliards d’euros mais… le « social » coûte trop cher. CQFD.

Christine BESSEYRE