Selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), en 2018, 10,6% des « retraites de droit direct ont été attribuées avec un taux réduit ». Faute d’avoir cotisé assez longtemps pour atteindre le « taux plein », ces ex-actifs sont partis avec une décote de 12,2 trimestres en moyenne (10,1 pour les hommes, 13,5 pour les femmes) et une pension réduite en proportion.
La part de « décoteurs » parmi les nouveaux retraités du régime général a ainsi doublé depuis 2006, quand elle n’était que de 5,3%, selon la Drees.
Sa hausse s’est accélérée ces dernières années, au rythme d’environ un point par an: 7,8% en 2015, 8,7% en 2016, 9,8% en 2017 et donc 10,6% en 2018.
La tendance s’est poursuivie en 2019, avec 11,7% de « pensions à taux réduit » de janvier à septembre, d’après la Cnav.
Rappel : la durée de cotisation pour une retraite à taux plein a été allongée à plusieurs reprises depuis 1993, passant de 150 trimestres (37,5 ans) à 166 trimestres (41 ans et 6 mois) en 2019, avec un objectif de 172 trimestres (43 ans) en 2035. On voit bien que le recul de l’âge de la retraite conduit pour l’essentiel à appauvrir les retraités.
Et il faudrait encore reculer sans cesse l’âge d’équilibre (à partir duquel on pourrait partir au taux plein) comme le veut le projet de loi gouvernemental ?
Retraites : l’intégration des primes des fonctionnaires va plus bénéficier aux hommes
Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement pour vendre son projet de réforme, celui-ci ne va pas vers plus de justice. Bien au contraire la réforme si elle était mise œuvre -ce que nous nous efforçons d’empêcher- aggraverait les inégalités entre les femmes et les hommes (voir notre inFOégalité de janvier). Il nous avait échappé que l’intégration des primes prévue dans le régime universel à points bénéficierait davantage aux hommes. En effet les primes expliquent une bonne partie des inégalités salariales entre femmes et hommes dans la fonction publique. Pour la catégorie A (cadres), « le manque à gagner moyen des femmes en termes de primes représente 20 % de l’ensemble des écarts de rémunération constatés » selon une étude de 2015. Pour les catégories B et C, les primes expliquent même respectivement 42 % et 38 % du différentiel de salaire. Le calcul de la pension hors prime permettait de supprimer cet écart au départ en retraite.
Retraites : les chiffres alarmants de l’étude d’impact de la réforme
Le gouvernement a dévoile en Conseil des ministres ce vendredi son « étude d’impact » du projet de loi sur les retraites. Au programme :
– la baisse du poids des dépenses de retraite à 13 % de PIB
– un âge d’équilibre à 65 ans projeté en 2037 pour établir les projections sur les comportements de départ à la retraite des premières générations (1975) qui seront concernées par le système universel. « Cet âge (65 ans), purement conventionnel, correspond à l’âge de départ au taux plein pour une personne ayant débuté son activité professionnelle à 22 ans et ayant validé toute sa vie 4 trimestres par an, soit 43 années, la durée exigée pour le taux plein pour la génération née en 1975 » précise l’étude.
L’âge d’équilibre augmenterait d’un mois par génération, « sous l’hypothèse que l’espérance de vie progresse d’un mois et demi par an« . Or, cet âge d’équilibre s’accompagne d’une sévère décote : 5% en moins sur la valeur du point par an.
– un départ plus tardif : « Environ un cinquième des assurés partiront plus tard », d’à peu près « trois ans en moyenne pour les générations nées dans les années 1990 », avec toutefois « un gain très significatif de pension, en moyenne supérieur à 20% ». Dans l’ensemble, avec l’âge pivot, « l’âge moyen de départ serait plus élevé » d’un mois pour la génération 1990 (64 ans et 7 mois) et de 8 mois pour la génération 2000 (65 ans et 2 mois).
A noter toutes les « imprécisions » du projet… A tel point que le Conseil d’État ne garantit pas « la sécurité juridique » de la réforme et déplore les « projections financières lacunaires » du gouvernement et un recours aux ordonnances (29 !) qui « fait perdre la visibilité d’ensemble ». Il démonte l’artifice de communication du « un euro donnera les mêmes droits » et du système censé être plus simple, soulignant la complexité et la diversité des règles de cotisation et d’ouverture des droits.
Réforme des retraites et chômage des seniors
En pleine mobilisation contre la réforme des retraites, il n’est pas inutile de revenir sur un rapport de la Cour des comptes publié en octobre dernier concernant le chômage des seniors alertant le gouvernement sur « un risque réel de précarité » chez les plus de 60 ans exclus du marché du travail. Quelque 56% des familles composés de seniors qui sont « ni en emploi ni en retraite ».
Si les réformes des retraites successives ont contribué à retarder l’âge moyen de départ à la retraite des Français, cela s’est souvent soldé par une hausse du chômage chez les seniors. Le taux d’emploi des 60-64 ans atteint ainsi 32,2% en France, contre 45% dans l’Union européenne, et le nombre de chômeurs de plus de 50 ans a été multiplié par trois pour atteindre plus de 916.000 personnes chez Pôle emploi en 2019! Pis, les chances de retrouver un travail chutent brutalement après 52 ans. Si le taux de retour à l’emploi est proche des 50% à 50 ans, il n’est plus que de 30% à 58 ans et de 20% à 60 ans. Les chômeurs de plus de 50 ans passent en moyenne 673 jours au chômage, contre 388 jours pour l’ensemble des chômeurs.
Ces faits prouvent, s’il en était besoin, que le recul de l’áge de départ à la retraite voulu par le gouvernement (au travers du report indéfini de l’âge pivot rebaptisé âge d’équilibre), n’est qu’un moyen d’amputer le montant que toucheront les retraités. Les seniors étant exclus du monde du travail bien avant cet áge couperet permettant une pension à taux plein.
Retraites : mobilisés jusqu’au retrait du projet
La mobilisation et le soutien de la population restent intactes contre le projet absurde de régime unique de retraites par points. Et ce malgré toutes les tentatives de manipulations et de pourissement orchestrées par le gouvernement. Non seulement l’âge pivot n’est pas retiré mais le Premier ministre confirme sa détermination à reculer l’âge de départ à la retraite, en refusant toute augmentation de cotisation sociale. FO, CGT, Solidaires, CFE-CGC, FSU MNL, UNEF, et FIDL appellent à amplifier la mobilisation pour le retrait de ce projet. Elles appellent l’ensemble du monde du travail et la jeunesse à renforcer massivement le mouvement et à faire du 24 janvier, date du conseil des ministres qui devrait examiner le projet de loi, une journée massive de grève et de manifestation interprofessionnelle. FOCom a déposé les préavis de grève nécessaires et appelle les collègues d’Orange à se mobiliser massivement.