Le rapport sur la santé au travail commandé par le gouvernement en janvier dernier et confié à la députée Charlotte Lecocq, a été rendu public le 28 août. La principale proposition de ce rapport consiste à réunir en une seule et même instance nationale nommée « France santé travail » (une sorte de « guichet unique ») les différents acteurs concourant à la prévention de la santé au travail : les services de santé au travail interentreprises – qui emploient notamment les médecins du travail –, les agents des Carsat (caisses d’assurance retraite et de la santé au travail), bras armé de la branche accident du travail et maladie professionnelle de la Sécurité sociale, les salariés de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) et ses déclinaisons régionales (Aract), l’Organisme de prévention dans la branche du bâtiment, l’OPPBTP… Tous ces organismes ayant la particularité d’être, historiquement, gouvernés de manière paritaire, c’est-à-dire à la fois par des syndicats de salariés et le patronat, la mise en place d’une gouvernance tripartite de cette instance (c’est-à-dire avec un conseil d’administration composé de représentants de l’État, des employeurs et des salariés) non seulement éloignerait de fait les représentants des salariés mais aussi renforcerait le pouvoir de l’État qui, parce que lui-même employeur, serait donc à la fois juge et partie….
Si la « simplification » à l’extrême du système apparaît clairement dans ce rapport, en revanche le renforcement attendu de la prévention y est totalement absent. Ce qui compte désormais, ce n’est plus de faire de la prévention médicale primaire au bénéfice des salariés, mais c’est de venir en appui de l’employeur. Le médecin du travail devient à la fois l’agent d’une médecine de sélection en délivrant des certificats d’aptitude et l’accompagnateur du chef d’entreprise, sous couvert de prévention. C’est pourquoi il y a lieu de s’inquiéter tout particulièrement de la recommandation visant la suppression de la fiche d’entreprise, l’un des outils de traçage, par le médecin du travail, des risques professionnels au plus près des salariés, ainsi que du document unique remplacé par un « plan de prévention » établi par les employeurs avec l’ appui et le soutien de structures régionales privées ! Enfin, les auteurs du rapport recommandent également de ne plus soumettre les employeurs à « l’obligation de sécurité de résultat » en matière de santé au travail, mais à une « obligation de moyens » car, selon eux, l’obligation de sécurité de résultat, poussée à l’extrême, décourage la prévention !!! Pour Force Ouvrière, ce projet est cohérent avec la disparition des CHSCT, les ordonnances de la loi travail et la remise en cause de certains critères de pénibilité. Les regroupements et simplifications qu’il propose visent non pas à renforcer la prévention mais à faire des économies et à déresponsabiliser les chefs d’entreprises.