Dans les années 60 - 70, les évolutions de l’informatique et de l’automatisation ont bouleversé les organisations de travail et le salariat connus jusque lors. Les employeurs ont vu un levier pour économiser de la main-d’œuvre et augmenter leur productivité, tandis que les salariés ont estimé ses avancées significatives comme un reconnaissance concernant les tâches dites pénibles. Pourtant, si on dresse le bilan de ces 50 dernières années, les effets produits peuvent avoir des conséquences non négligeables pour tous les acteurs du monde du travail.
Travailleurs : leurs places changent et des risques apparaissent
Finie la hiérarchie verticale, on demande de plus en plus aux salariés de faire preuve de créativité et d’autonomie dans les processus de production. Mais paradoxalement, les personnels sont confrontés à des formes de soumissions très strictes, à des normes et des prescriptions. L’heure est à la mobilité, à la polyvalence. La remise en cause des hiérarchies classiques est rythmée avec comme seul mot d’ordre : zéro temps mort, zéro perte. Notons que les entreprises visant constamment une productivité à flux tendu, les travailleurs doivent faire face à la dure différence entre travail prescrit et travail réel.
Cette notion est davantage perceptible avec la digitalisation des tâches à effectuer. L’intensification du travail permise par la transformation numérique remet en cause, pour certains métiers dans certaines entreprises, la mesure de la charge de travail par le temps de travail. Prenons l’exemple du télétravail qui peut favoriser l’émergence de situations à risques d’un point de vue psychosocial. En effet, l’organisation de l’activité modifie, à la fois celle du salarié en télétravail, mais aussi celle de ses collègues et de sa hiérarchie. Ces reconfigurations peuvent ainsi engendrer de nouveaux risques pour les salariés, comme une durée ou une charge de travail excessive, la désynchronisation des horaires de travail, le brouillage des frontières entre les divers temps sociaux et un envahissement de la vie privée. Le développement du télétravail pose désormais la question de la santé au travail hors les murs de l’entreprise pour une population croissante de salariés et dont la formation et la prévention, comme toute évolution, en sont les corollaires.
CDD, intérim, auto-entrepreneurs, contrats aidés, rémunération à la tâche : l’emploi davantage précarisé
C’est un fait, la demande sur-mesure et instantanée provoquée par les souhaits des consommateurs, toujours plus pressés et férus de nouveautés, voit une progression fulgurante. Il en découle une course effrénée à une productivité et une rentabilité plus massives pour les entreprises. L’hyper-concurrence entre entreprises crée alors des modifications d’organisations de travail, car chacune veut avoir sa part de marché. Mais cette flexibilité prescrite aux entreprises se retrouve également imposée aux travailleurs, transformant le modèle du contrat à durée indéterminée à des offres de travail « à la demande », à l’image du tâcheron du début du XXe siècle.
à titre d’exemple, Amazon propose désormais à tout habitant des États-Unis, âgé de plus de 21 ans disposant seulement d’une voiture et d’un smartphone, de devenir livreur occasionnel. Mais le cas le plus significatif de cette nouvelle économie demeure le cas des travailleurs de voitures de tourisme avec chauffeur (VTC), qui se retrouvent placés dans une zone grise, ni réellement indépendants ni réellement salariés. Cette « ubérisation » s’appuie notamment sur le flou juridique autour de la notion de « travailleur indépendant » permettant aux entreprises du secteur de se défausser de leurs obligations (paiement de toute couverture sociale, salaires, congés payés, etc.) et ce, malgré un lien de subordination évident (application téléphonique qui contrôle les activités, clients qui attribuent des notes, standards imposés par les entreprises).
Un arrêt de la Cour de Cassation datant du 4 mars 2020 provenant a répondu à une attente forte de Force Ouvrière : un chauffeur n’est pas indépendant quand il travaille pour la plateforme Uber. En effet, cette dernière fixe les prix des courses, impose les itinéraires et sanctionne le chauffeur en cas de non-respect des règles fixées. Il existe donc un lien de subordination mis en lumière par la justice, justifiant la requalification de la relation contractuelle, entre les deux parties, en contrat de travail.
Outre le cadre légal et les interrogations que soulèvent ces nouvelles formes de travail, penchons-nous sur les conséquences sociales, et plus particulièrement la notion de précarisation. Un constat flagrant a notamment était observé. Les personnes qui ont des compétences développées et recherchées seraient dans une position plus enviable et pourraient faire le choix de l’autonomie, de la qualité de vie, etc. En revanche, pour les non-qualifiés, le recours à ces formes d’emplois témoigne souvent de difficultés d’insertion professionnelle et d’inscription dans un marché secondaire de l’emploi dégradé.
Traduction de ces nouvelles formes d’emplois dans nos entreprises
Le secteur des Postes et Télécommunications n’échappent pas à toutes ces grandes tendances. Les nouvelles formes d’emplois ont vu le jour depuis plusieurs années. Fin du statut de fonctionnaire et de la protection juridique y étant lié, augmentation du nombre de filiales, développement du numérique dans le quotidien des personnels… Cela est aux antipodes des services publics, n’est-ce pas ? Derrière ce cri d’alarme que FO Com scande inlassablement, il y a en fait plusieurs « fenêtres de tir » qui amenuisent les services publics. Et oui ! Nous pouvons ajouter à cela les projets de lois et autres manœuvres des gouvernements, le désengagement financier de l’État accompagné de budgets restreints, les restructurations entraînant une diminution des effectifs, etc. Tant vanté comme essentiel à la vie de la Nation par le gouvernement et reconnu d’utilité publique pour chaque citoyen, notre secteur subit la privatisation depuis plusieurs années tout en ayant l’obligation d’être aux rendez-vous des missions de service public.
Nous participons activement à l’élaboration d’accords visant à encadrer les nouvelles pratiques. C’est un levier essentiel pour éviter toutes formes de dérives, avec les risques que nous connaissons pour la santé des personnels. C’est notamment le cas du télétravail ou de l’application du droit à la déconnexion, reconnue par la loi depuis 2016.
Quand on écoute les grands dirigeants d’entreprises, les discours sont un éternel refrain : les salariés devraient s’estimer heureux d’avoir une aide complémentaire financière en ces temps hostiles !
La norme ne devrait pas être la distribution d’aumône et la concurrence entre salariés, mais une réelle politique pérennisant les emplois et les savoir-faire, garantissant les droits des travailleurs de même que des salaires décents.