Quel monde d’après à Orange ?
L’initiative commune annoncée le 18 mai par les chefs d’État français et allemand sur la création du fonds de relance européen de 500 milliards d’euros a mis sur le devant de la scène la question du monde d’après. Sera-t-il tenu compte des leçons de la crise sanitaire et économique qui s’ensuit ? On peut en douter quand on considère l’exhortation qui accompagne cette décision. Elle incite les États membres à appliquer des « politiques économiques saines et des programmes de réforme ambitieux ». Ces formulations étaient très usitées dans « le monde d’avant » par l’Union Européenne pour indiquer ses exigences en matière de politiques d’austérité et de destruction des services publics. L’aide aux économies nationales ou sectorielles serait-elle conditionnée à la poursuite de ce qui a conduit à la catastrophe ? Concernant Orange, notre PDG a indiqué dès le début de la pandémie qu’il faudrait revoir le plan stratégique 2025. Nous avons déjà constaté quelques inflexions qui vont dans le bon sens… à condition d’être suivies d’effets. Stéphane Richard a par exemple laissé en-tendre que le tout open space et flex office omniprésent dans tous les projets immobiliers se-rait revu. Parfois octroyé avec difficulté ou tout au moins circonspection avant le confinement le télétravail est dorénavant considéré, par la force des choses, plus positivement. Reste qu’il ne faut pas tordre le bâton dans l’autre sens : cette forme d’organisation doit, selon nous, préserver le lien social. Une certaine quotité de présence au sein des équipes reste essentielle. Cette question sera débattue comme tout ce qui entre dans ce que la Direction appelle la « transformation responsable de l’entreprise », une négociation fourre-tout dont l’intitulé même nous questionne. FOCom n’acceptera pas qu’au prétexte de la crise et parce que les ordonnances ou la loi le permettent, le temps de travail et l’organisation de celui-ci soient « réformés » aux dépens des salariés et de leurs conditions de travail.
Sur le plan économique, la Covid 19 a mis en exergue la nécessité de rapatrier les productions stratégiques. Pour les télécoms et Orange en particulier, la maîtrise de nos infrastructures et de nos matériels, l’indépendance de notre recherche et de notre SI s’avèrent vitales.
La réinternalisation de nos activités et la préservation de nos métiers et savoir-faire le sont tout autant. La crise a également montré l’importance de nos boutiques dans notre chiffre d’affaires d’où l’importance de renforcer notre réseau d’Agences de Distribution. Autant de ruptures avec le monde d’avant.
En tout état de cause, la construction du monde d’après implique indubitablement de placer l’humain au centre des réflexions et des priorités.
Les conditions de travail restent très dégradées en période de déconfinement
Depuis le début de la crise, nous recevons de très nombreux témoignages des difficultés rencontrées par les salariés, les cadres, les managers et les services RH dans l’exercice de leur métier, particulièrement en télétravail. Mais le déconfinement est loin d’avoir réglé les problèmes. Nous publions deux témoignages, reçus parmi beaucoup d’autres, qui reflètent des situations non pas les plus extrêmes que nous avons rencontrées, mais au contraire les plus courantes.
Nous sommes loin du « tout va bien » officiel.
Stéphane, responsable d’équipe en SCO : pendant la période du confinement, au-delà de l’enfermement qui est très pesant, c’est surtout l’organisation qui est complètement chamboulée avec le télétravail et ses nouveaux codes. Je ne peux pas complétement m’isoler chez moi. Ma connexion internet est défectueuse. Il faut s’occuper des enfants et ma conjointe est aussi en télétravail. Même se faire à manger le midi est parfois compliqué et ne correspond pas à une heure de dé-tente comme ça peut l’être quand je suis sur site avec le restaurant d’entreprise où tout est prêt.
Aujourd’hui je rencontre exactement les mêmes problèmes que pendant la période de confinement. Je sors un peu plus c’est tout. Mes enfants ne sont pas à l’école. Ma conjointe et moi-même sommes toujours en télétravail. Je redoute donc qu’avec ces conditions de travail dégradées on me de-mande autant voire plus qu’avant. J’ai réussi à faire un beau « sprint » d’urgence. Mais maintenant on m’annonce que la course va durer plus longtemps et j’ai peur de ne pas être prêt pour un « marathon ».
J’aurais préféré qu’on anticipe : le télétravail existe depuis déjà un bon moment à Orange et dans mon unité. Pourtant nous n’étions pas prêts. Et je constate qu’aujourd’hui l’organisation reste la même. Il faut aussi que la communication soit plus précise. J’ai beaucoup de mails d’information mais au final je suis toujours en manque d’informations fiables.
Michèle, RRH en UAT : la période de confinement a bien sûr été compliquée et nous avons bien compris la nécessité de nous adapter en permanence. Nous avons été extrêmement sollicités, souvent en réunions permanentes de 8h à 18h, voire plus et quelquefois sans manger. Les consignes pouvaient manquer de clarté avec des process instables qui changeaient en trois jours, les salariés n’arrivaient plus à suivre et for-cément doutaient de l’information qu’on leur donnait à l’instant T.
Pour le déconfinement on attend encore beaucoup de réponses. Il y a deux types de population : des salariés qui se sentent en sécurité à domicile et ont peur de revenir sur les sites et d’autres avec moins de lien social, plus isolées qui ne veulent plus rester dans cette situation et qui demandent à travailler à nouveau sur site. Le télétravail pose des problèmes à ceux et celles qui ont des enfants en bas âge sans la possibilité de s’isoler pour travailler. La priorité est de fournir du matériel et des équipements pour soulager les maux qui se sont développés : problèmes de dos, cervicales, fatigue visuelle, cela devient urgent. On nous a annoncé que 2 régions étaient en test sur l’attribution de matériels, mais il est difficile d’attendre plus longtemps. Des pathologies se sont aggravées et des salariés envisagent les arrêts maladie. Et puis il y a une injustice flagrante concernant les ASA garde d’enfants par rap-port aux ASA covid. Ces salariés, en activité télétravail, doivent poser des congés dont ils auront besoin au moins jusqu’en septembre pour garder leurs enfants. Certaines jeunes mères de famille sont complètement démunies et envisagent le chômage partiel. J’ai eu un cas par exemple d’une salariée avec un enfant handicapé… pour elle c’est triple peine !