Secteur Télécoms

Les GAFA en toute impunité

gafam palmiers sableUn projet de régulation des grandes plates-formes numériques, le Digital Markets Act, devrait être présenté par la Commission européenne mercredi 2 décembre. On a envie de dire « enfin ! ». FOCom dénonce depuis longtemps les conditions dans lesquelles les GAFAM réalisent des bénéfices colossaux sur nos territoires sans payer de taxes et sans règles protégeant nos entreprises. Pire, ces mastodontes explosent leurs chiffres d’affaires et leurs profits en surfant sur la crise sanitaire quand les entreprises et commerçants autochtones souffrent, font faillite et licencient.
La présidente de l’Autorité de la concurrence, Mme de Silva, reconnaît, sans paraître s’en émouvoir outre mesure, que « seuls des opérateurs comme Orange sont tenus d’accorder à leurs concurrents un accès équitable à leur réseau ». Pour autant, les mesures qu’elle détaille sont d’une incurie affligeante. Il n’est question ni de définir à l’avance des règles permanentes, ni de sanctions antitrust a posteriori. Le Digital Markets Act « prévoit une sorte de liste noire de pratiques interdites pour les plates-formes structurantes » mais prête une oreille attentive aux GAFA qui y opposent « leur capacité d’innovation et l’intérêt du consommateur » (afficher des cartes de Google Maps sur un moteur de recherche ou préinstaller une application de météo sur un téléphone lui serait bénéfique !). Amazon et Google peuvent se rassurer, il n’est pas non plus question d’imposer la séparation des fonctions de plate-forme et de vendeur. Et le partage des données pourrait reposer sur « un mécanisme modulaire ». L’interopérabilité, qui exige des services dominants de communiquer avec leurs concurrents, serait également « traitée au cas par cas ».

Bref un projet de régulation bien en deçà de ce que préconisent les autorités américaines elles-mêmes. Il se réduit à des mesures à géométrie variable avec des règles ex ante très limitées et pas de sanctions, juste des injonctions concernant les dysfonctionnements identifiés. Les GAFA, on s’en doute, en tremblent !

Le Congrès américain veut réguler les GAFA

gafaAprès plus d’un an d’enquête, la Commission judiciaire de la Chambre des représentants a rendu un rapport dénonçant les pratiques anticoncurrentielles des grandes entreprises technologiques. Elle conclut que Google, Apple, Facebook et Amazon procèdent à des « acquisitions prédatrices » pour éliminer la concurrence et appelle à rétablir celle-ci en appliquant la législation existante et en renforçant les lois antitrust.
Concrètement, citant Amazon qui utilise les données des vendeurs tiers pour développer ses propres produits, la commission propose d’interdire à certaines plateformes dominantes d’opérer dans des secteurs d’activité adjacents. Elle dénonce aussi la pratique du « self-preferencing » consistant à favoriser ses propres produits par rapport à ceux de ses concurrents. Ce que fait Google en classant systématiquement son propre contenu au-dessus des contenus tiers, même lorsque son contenu est moins pertinent pour les utilisateurs, ou Apple avec ses services sur iOS. Elle préconise l’adoption de règles de non-discrimination exigeant des plateformes qu’elles offrent des conditions égales pour un service égal tant sur les prix que sur les conditions d’accès. Pointant Facebook, les membres du Congrès préconisent que les principes d’interopérabilité et de portabilité des données soient garantis, « ce qui exige que les plateformes dominantes rendent leurs services compatibles avec les différents écosystèmes et qu’elles rendent le contenu et les informations facilement transférables ». Par ailleurs, pour réguler les pratiques de fusions-acquisitions des grandes entreprises technologiques qui ont créé des secteurs d’activités entiers par ce biais, ils proposent la création d’une « présomption d’interdiction » pour les futures acquisitions : « toute acquisition par une plateforme dominante sera présumée anticoncurrentielle, à moins que les parties ne puissent démontrer que l’opération est nécessaire pour servir l’intérêt public et que des avantages similaires ne peuvent être obtenus par la croissance et l’expansion interne ».
Toutes ces recommandations ont-elles une quelconque chance d’aboutir ? On peut en douter étant donnée la puissance de ces mastodontes et de leurs relais politiques. De fait, depuis 1998, les agences fédérales chargées de l’application du droit de la concurrence n’ont interdit aucune des plus de 500 acquisitions réalisées par Apple, Google, Facebook et Amazon. Et nous sommes bien placés en Europe pour mesurer leur force de frappe. Ne serait-ce que pour échapper à la fiscalité…

 

 

Enchères 5G Orange remporte la mise

5GL’Etat espérait encaisser 2,17 milliards d’euros au minimum au terme de ces enchères 5G. La mise aux enchères des premières fréquences 5G lui a rapporté la somme totale de 2,786 milliards d’euros. Orange a obtenu la majeure part des fréquences en jeu avec quatre « blocs » sur les 11, ce qui lui permet de disposer de 90 MHz, contre 80 MHz pour SFR, et 70 MHz chacun pour Bouygues Telecom et Free. Ne reste, courant octobre, qu’une enchère de positionnement. Orange prend ainsi une longueur d’avance sur ses concurrents pour les futurs services.

Bruxelles conteste la décision qui a exempté Apple du remboursement de ses avantages fiscaux

AppleLa Commission européenne a déposé un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre la décision du tribunal qui avait annulé, en juillet dernier, la demande de remboursement de 13 milliards d’euros infligée à Apple. Elle estime que le tribunal a commis des « erreurs de droit ». Cette affaire a débuté en 2014 lorsque Bruxelles avait accusé l’Irlande d’offrir des aides d’Etat illégales à la firme américaine. La Commission avait conclu que les accords passés entre l’administration irlandaise et Apple avaient « artificiellement réduit le montant de l’impôt payé par l’entreprise ».  Peut-on espérer qu’un jour les GAFAM paieront enfin des impôts sur les affaires qu’ils font en Europe ?

Plan de relance : peut-il sauver le numérique ?

Dans le cadre du « plan de relance », le gouvernement a décidé de consacrer près de 8 milliards d’euros pour soutenir l’économie numérique. Nous ne pouvons que nous en féliciter tout en espérant que cet argent sera mieux utilisé que lors des différents plans égrenés depuis une dizaine d’années. Ainsi le Plan Très Haut Débit, conçu par l’inénarrable président de l’ARCEP, Sébastien Soriano, alors directeur de cabinet de Fleur Pellerin, a englouti des milliards d’Euros d’argent public pour aboutir à un retard d’équipement notoire. La fibre optique, censée couvrir 70 % de la population dès 2020, dessert à peine plus de50 % des Français. Et la France pointe à la 16ème position en nombre d’abonnés à la fibre, selon le FTTH Council Europe. Les 240 millions ajoutés aujourd’hui par le gouvernement pour le déploiement de la fibre ne résoudront pas le défaut originel du plan : la balkanisation via une multitude de réseaux fibre locaux (les RIP), afin d’empêcher Orange d’avoir la maîtrise du réseau.

Le plan de relance prétend aussi à l’émergence d’acteurs de taille suffisante pour tenir une place à l’échelle internationale et garantir la souveraineté numérique nationale et européenne. Toutefois le principal obstacle à cet objectif demeure : la logique de l’Union européenne basée exclusivement sur la concurrence et le consumérisme empêche tout développement de champions européens laissant ainsi la place aux GAFAM. L’argent du plan de relance n’y changera rien tant qu’une logique industrielle ne substituera pas à la politique ultralibérale de l’UE.