“Les Chinois travaillent 24h/24 et les Américains ne prennent que deux semaines de vacances… C’est là, le problème pour nous…” c’est ainsi que s’est exprimé Patrick Drahi, le 27 mai 2015, devant la Commission des Affaires Economiques de l’Assemblée Nationale. Et c’est bien ce modèle-là que le redoutable cost-killer de SFR-Numéricable met en œuvre pour générer le cash dont il a besoin pour rembourser ses dettes et réaliser ses affaires. Que fait-il d’autre en effet quand il délocalise des milliers d’emplois de téléconseillers de la Réunion où ils bénéficiaient d’un statut de “fille à Papa” pour reprendre son expression concernant SFR ? Que fait-il d’autre quand il transfère les emplois rétribués 500€ par mois du Maroc à Madagascar où les salariés vivent moins “dans l’opulence” avec 200 euros par mois ? Patrick Drahi explique que sa priorité, c’est “de faire de la croissance”. Sur le dos des êtres humains…
Engagements tenus : mais à quel prix ?
Selon les dernières cartes vérifiées sur le terrain par l’ARCEP, Orange et Bouygues Telecom couvrent en 4G respectivement 72% et 71% de la population. SFR couvre 53% de la population, Free mobile 33%. Bouygues Telecom, SFR et Orange ont l’obligation de couvrir, d’ici le 17 janvier 2017, 40% de la population des zones peu densément peuplées, selon les licences 4G octroyées en décembre 2011 dans la bande des fréquences 800 Mz. Cette obligation n’est pas applicable à Free Mobile, qui n’a pas de fréquences 800 MHz mais l’Arcep confirme que Free couvre bien 75% de la population en 3G, conformément à ses obligations.
Reste que, dans un contexte concurrentiel non apaisé, c’est une sacrée gageure de demander aux opérateurs tout à la fois de faire disparaître toutes les zones blanches dans les dix-huit mois, de déployer le très haut débit fibre et la 4G, et d’innover. En tout état de cause, pour FOCom cela ne peut se traduire par un sacrifice permanent des personnels des 4 opérateurs comme c’est le cas aujourd’hui.
Jazztel conditionnel
Depuis novembre dernier, la Commission Européenne étudie l’offre d’Orange pour le rachat de l’opérateur espagnol Jazztel, ce projet pouvant, selon elle, nuire à la concurrence. Sans dire oui officiellement, Bruxelles donne sa permission, mais sous conditions. En contrepartie du rachat de Jazztel pour 3,4 milliards d’euros, Orange devra louer à des concurrents la quasi-totalité du réseau ADSL fraîchement acquis par Jazztel et céder le déploiement de la fibre dans 700 000 foyers parmi les 3,7 millions de son réseau. Ces exigences de Bruxelles entament l’intérêt de cette transaction car si Orange lorgnait Jazztel, c’était bien dans le but d’accélérer le déploiement de la fibre en Espagne, sans pour autant céder 700 000 foyers à la concurrence. C’est toujours la même logique libérale qui motive la Commission européenne : affaiblir les opérateurs pour préserver la sacro sainte concurrence ! FOCom sera en tout état de cause attentive à ce que cette opération ne pénalise en rien les personnels.
La FFT continue
Menacée de disparition, la Fédération Française des Télécoms a été sauvée in extremis… sans Free et avec un budget divisé par deux. FOCom se félicite de la continuation de la FFT car elle partage le diagnostic de son nouveau président Didier Casas, secrétaire général de Bouygues Telecom : “Les télécoms sont aujourd’hui un maillon indispensable du numérique et de l’économie du pays. La filière investit environ 7 milliards d’euros par an, soit l’équivalent de 11 viaducs de Millau ou de 200 rames de TGV ! Nous faisons travailler directement et indirectement plusieurs centaines de milliers de salariés. Et la plupart de ces emplois ne sont pas délocalisables. Chaque euro investi par les télécoms rapporte 6 euros de PIB et 3 euros de recettes fiscales et sociales. C’est pourquoi nous souhaitons être davantage entendus par nos différents partenaires et par les pouvoirs publics.” Pour FOCom c’est une bonne chose qu’il existe un organisme regroupant les opérateurs nationaux et ayant l’objectif de défendre, au-delà de la concurrence qui existe entre eux, le secteur des Télécoms. Ainsi qu’il l’a déjà fait avec Pierre Louette en dénonçant l’asymétrie fiscale dont bénéficient les OTT en Europe.
Logique libérale confirmée pour les Télécoms
Emmanuel Macron vient de réaffirmer dans Les Echos du 22 mai : « En France, le secteur a atteint un point d’équilibre. L’heure n’est pas à la concentration entre opérateurs, mais à l’investissement. La concentration, c’est moins d’équipements, moins de réseaux et moins d’emplois Le secteur est aujourd’hui animé par quatre opérateurs qui ont chacun leur place et qui se sont engagés dans un mouvement général de modernisation de leurs infrastructures, sur la 4G et sur la fibre. Il ne faut pas donner de prétexte à un gel des projets, comme c’est souvent le cas lorsqu’on anticipe une potentielle consolidation ». Il campe ainsi sur une position dogmatique libérale basée sur la concurrence dévastatrice aussi bien pour l’investissement et les emplois que pour l’équipement du territoire. Contre tout bon sens. En effet il est évident qu’une entreprise ne peut investir quand son chiffre d’affaires et ses marges fondent sous l’effet de la guerre des prix. À part notre ministre de l’économie on ne trouve plus guère d’économistes pour prétendre le contraire !