Google et Amazon écopent respectivement d’une amende de 100 millions et 35 millions d’euros pour avoir violé la réglementation sur les cookies. Sur leurs sites web, les internautes se voyaient imposer ces traceurs publicitaires sans y avoir consenti et les bandeaux d’information étaient incomplets, rapporte la Cnil. Les deux géants ont désormais trois mois sous astreinte pour modifier durablement leurs pratiques.
Enfin un peu d’ordre dans la jungle du net.
Appel « Tech for Good », not so good
Ce 1erdécembre, 70 entreprises réunies autour du Président de la République ont signé un manifeste intitulé « Appel Tech for Good » en faveur d’un « progrès technologique plus responsable et inclusif ». Y figurent Google, Booking, Facebook, Twitter, IBM, Microsoft, Huawei, Orange, Iliad, TF1, BNP Paribas, La Poste, Doctolib, BlaBlaCar. Amazon et Apple n’ont pas signé.
A côté d’engagements concrets pour l’inclusion, la lutte contre la diffusion de contenus haineux, la protection de la vie privée, le libre choix des consommateurs, l’environnement,… figure une dimension fiscale. Les signataires de la charte s’engagent ainsi à « veiller à ce que les entreprises de la tech contribuent équitablement aux impôts dans les pays où elles exercent leurs activités ». Mais comme, notamment, les États-Unis résistent, la mise en œuvre internationale semble compromise. Peut-être que le « Digital Services Act » et le « Digital Markets Act » présentés par Bruxelles ce 9 décembre et censés « encadrer la puissance des grandes plateformes technologiques » feront bouger les lignes. En attendant la France applique sa propre « taxe Gafa ». L’an dernier, elle avait amené 350 M€ dans les caisses de l’État. Début 2020, Bercy avait un objectif de l’ordre de 600 M€ à partir de 2021. C’est certes mieux que rien mais compte tenu des bénéfices faramineux réalisés habituellement et qui ont explosé pendant les confinements, ces sommes et la taxe unique de 3% paraissent bien dérisoires !
Le gendarme de l’ARCEP, destructeur jusqu’au bout
Mardi 1er décembre, le gendarme des télécoms a obtenu le feu vert de la Commission européenne sur le futur cadre réglementaire qui régira le marché de la fibre optique jusqu’en 2023. Avant son départ de la présidence de l’Arcep prévu en fin d’année, l’ineffable Sébastien Soriano a donc réussi à cadenasser la situation défavorable dans laquelle il a maintenu Orange depuis le début de sa mandature. Il faut lui reconnaître une belle constance dans son acharnement à dézinguer le seul opérateur susceptible de tenir la concurrence des multinationales du numérique, GAFAM, BATX et autres prédateurs de nos économies. Au lieu d’essayer d’inverser la politique mortifère de Bruxelles vis-à-vis des entreprises européennes, il l’a soutenue, l’a réclamée ! Une bonne partie des dernières mesures validées par Bruxelles vise encore à affaiblir Orange sur le marché de la fibre pour les entreprises et à accélérer le démantèlement de son réseau cuivre.
Heurts et malheurs d’un secteur
Alors que le besoin d’investissement pour déployer les infrastructures et la fibre est de plus en plus pressant, la pression de la régulation européenne sur les opérateurs télécoms ne se relâche pas pour les obliger à réduire leurs prix, au nom d’une doctrine consumériste mortifère pour le secteur (simple exemple : une offre d’abonnement mobile à 12€ en France s’élève à 65€ aux USA). Il en résulte une stagnation de leurs revenus et de leurs marges. Bien qu’ils continuent à investir massivement (en 10 ans près de 70% du cash d’Orange ont été mobilisés pour l’investissement, notamment réseau), ils ne parviennent pas à dégager de la croissance sur un marché qui détruit valeur et emploi. Seul Deutsche Telekom réussit à augmenter son chiffre d’affaires et sa marge grâce à une diversification réalisée aux Etats-Unis et Orange parvient à limiter les dégâts et reste dans le quatuor de tête européen. Les investisseurs l’ont bien compris comme en témoigne l’évolution de la capitalisation boursière des opérateurs télécoms (-17% en Europe sur 2017-2018). Cela explique aussi la scandaleuse sous-évaluation boursière d’Orange.
Globalement, la place des opérateurs télécoms ne cesse de régresser sur le marché mondial du numérique au profit des services internet et IT&Software qui affichent, quant à eux, une croissance impudente (12% en 2019), dans le contexte de la révolution digitale. Pas gênés par les régulateurs (ni par le fisc !), les GAFAM et les BATX (sigle pour les 4 chinois : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) doivent leur succès à une puissance innovatrice redoutable, réalisée grâce à des investissements colossaux, notamment en R&D. On prévoit ainsi qu’en 2025, les services internet passeront devant les télécoms et deviendront le premier marché mondial du numérique.
Les régulateurs européennes (et français) vont-ils, enfin, modifier leur politique, cesser de contrarier le développement de leurs opérateurs, faire émerger un plan de relance des nouvelles technologies et créer des méta-plateformes numériques en mesure de tenir tête aux géants américains ou chinois ? Encore faudrait-il sortir de la fragmentation européenne qui empêche toute stratégie commune cohérente et abandonner le dogme concurrentiel.
Protéger notre économie contre les géants du net
Si 2020 est extrêmement difficile pour la plupart de nos entreprises et de nos commerces, c’est une année faste pour les géants américains des nouvelles technologies. Le chiffre d’affaires cumulé des Gafa était de 206 milliards de dollars entre avril et juin, au plus fort de la première vague de la pandémie de Covid-19. Pour la période juillet-septembre, qui correspond à la levée des mesures de confinement, leur chiffre d’affaires cumulé atteint 228 milliards de dollars et leur bénéfice 51 milliards de dollars (chiffres publiés jeudi à la fermeture de Wall Street). Alors que nos librairies sont fermées et le rayon « livres » des supermarchés interdit, Amazon se frotte les mains. La plateforme de vente en ligne affiche déjà des résultats ahurissants, engrangeant un total de 96,1 milliards de dollars durant l’été, un record historique (+37% en un an). Son bénéfice net a triplé, à 6,3 milliards de dollars… Faut-il encore le dire ? Il est vraiment vital de mettre en place, aux niveaux européen et national, des mesures anticoncurrentielles et fiscales efficaces afin de protéger nos économies.