Un mois seulement après le lancement de la 5G en France, l’Union européenne se penche déjà sur le futur standard 6G. Démarré symboliquement le 1er janvier Hexa-X est un vaste projet de recherche censé préparer ces nouveaux réseaux prévus pour 2030, avec un débit 50 fois supérieur à la 5G. Cette initiative coordonnée par Nokia avec Ericsson pour la technique, rassemble 25 industriels et universités… En fait partie Orange, dont le vice-président senior en charge des réseaux mobiles, Arnaud Vamparys, explicite « la 5G a été conçue comme un triangle, avec trois apports principaux : plus de débit, plus d’usages critiques et plus d’objets connectés. La 6G, elle, ressemblera plus à un hexagone, avec ses six côtés. L’idée est d’avoir des réseaux dotés d’un sixième sens, anticipant nos besoins. ». L’Europe lance également un programme de 6 milliards d’euros pour un Internet haut débit par satellite dans lequel Orange est également impliquée. Ce programme satellitaire renforcera le rôle des satellites dans l’écosystème 5G et évaluera les opportunités d’interopérabilité tout en tenant compte de l’évolution liée la 6G. Orange continue en parallèle à investir massivement dans la Fibre, partout et pour tous. Nous aurions mauvaise grâce à critiquer de telles implications dans l’innovation et les réseaux du futur. La technologie va vite, Orange ne peut se permettre de regarder passer les trains. C’est une question de survie.
Niel inquiet que l’ARCEP change de cap
Le mandat de Sébastien Soriano comme président de l’ARCEP s’achevant (enfin !) début janvier, le président de la République a choisi Laure de la Raudière pour le remplacer. Cette diplômée de Normale Sup est une spécialiste du numérique, par ailleurs députée d’Eure-et-Loir proche de Bruno Lemaire. Nous nous abstiendrons de tout commentaire, espérant seulement qu’elle défendra le secteur au lieu de poursuivre le travail de sape de son prédécesseur. En revanche, Xavier Niel ne s’est pas privé de s’insurger publiquement contre cette nomination. S’il reconnaît les compétences de madame de la Raudière, il lui reproche d’avoir travaillé à France Télécom de 1989 à 2001. C’est qu’il est anxieux le fondateur de Free, dont l’arrivée comme 4ème opérateur, favorisée par l’ARCEP, a fait chuter dramatiquement les prix des télécoms, amputant les marges des opérateurs français et leurs capacités à tenir tête aux concurrents, d’outre-Atlantique notamment, qui ne connaissaient pas les mêmes obstacles à leur développement. Xavier Niel est inquiet, des fois que l’ARCEP serait tentée de rompre avec cette logique ultra libérale à la solde de Bruxelles, mortifère pour le secteur, mais qui a contribué à sa fabuleuse fortune construite sur l’écrémage du marché et une qualité de service exécrable.
Derrière la mutualisation des infrastructures
Quatre opérateurs d’infrastructures mobiles passives (Towerco), Cellnex France, TDF, Hivory et ATC France, propriétaires de mâts et pylônes, viennent de s’allier à travers l’Association française des opérateurs d’infrastructures de téléphonie mobile (OFITEM). Celle-ci souhaite « valoriser l’apport des Towerco par le renforcement des capacités d’investissement, la mutualisation et l’optimisation des infrastructures…». En outre elle « vise à contribuer à la création d’un cadre réglementaire permettant aux TowerCo de jouer pleinement leur rôle à la fois essentiel et complémentaire à celui des opérateurs téléphoniques » indique Vincent Cuvillier président de cette nouvelle alliance. À eux quatre, ces opérateurs représentent 60.000 sites de téléphonie mobile en France (pylônes et toits-terrasses en milieu urbain). De leur côté, Orange et Free ont conclu des accords de mutualisation d’antennes qui, comme l’ont évoqué Stéphane Richard et Xavier Niel, pourraient bien être reconduits pour le déploiement des infrastructures des futurs réseaux 5G. Par ailleurs, Orange, avec 17.000 sites en France, va créer sa propre Towerco en espérant que d’autres opérateurs français ou européens viendront s’y greffer.
Quoi qu’il en soit, pour FOCom ce mouvement de mutualisation ne saurait signifier un quelconque démantèlement de notre réseau mobile ou fixe.
L’Europe réduite à une colonie numérique ?
Après avoir raté le tournant du numérique du début des années 2000, l’Europe saura-t-elle activer les leviers pour rattraper son retard ? En reconnaissant que « nos entreprises numériques ont fait face à beaucoup plus d’obstacles que leurs concurrents dans d’autres régions du monde, des lacunes dans l’infrastructure et dans les compétences, une capacité d’investissements inférieure, la complexité réglementaire et les barrières bureaucratiques lorsqu’on essaie de passer les barrières nationales », la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen indique des solutions… qu’on ne voit malheureusement pas venir. Si le rapport sur « l’état de la tech en Europe » révèle que les levées de fonds n’ont jamais été aussi importantes avec 41Mds en 2020, on attend toujours des politiques publiques coordonnées soutenant le secteur du numérique, un grand programme de recherche et d’innovation, les conditions de créer un vrai marché unique du numérique. Il faut certes se donner les moyens de conserver les talents et soutenir les starts up. Mais est-ce bien sérieux de continuer à affaiblir les opérateurs, au nom d’une concurrence absurdement entretenue ? Le vrai sujet n’est-il pas plutôt de les armer face à la force de frappe des multinationales hégémoniques (Apple a une capacité boursière de 2.080Mds $ soit presque autant que l’ensemble des sociétés du CAC 40) ? Mastodontes qui continuent à contourner les réglementations et à échapper à la fiscalité…
5G : Free relance la guerre mortifère
Les opérateurs français conservent les tarifs les plus bas d’Europe, tarifs très inférieurs à ceux des américains. Avec des marges durablement en berne, leurs revenus ont encore reculé en 2019, tandis qu’ils doivent sans cesse investir davantage (plus de 10 milliards dans les réseaux l’an dernier). Ce déséquilibre chronique explique en grande partie leur sous-évaluation boursière. Avec la 5G les opérateurs avaient l’opportunité de réajuster leurs tarifs. Mais cette occasion de normaliser la situation est ruinée, comme en 2013 avec la 4G, par Xavier Niel. Free casse en effet à nouveau les prix en incluant la 5G dans son forfait de référence sans surcoût. Ce n’est évidemment pas sans contrepartie : en 2013 « le trublion des télécoms » avait 5 fois moins d’antennes qu’Orange, aujourd’hui, contrairement à ses concurrents, il recourt massivement à des fréquences basses aux débits très inférieurs…