L’ubérisation, utilisée par nombre de plates-formes, semble incontournable à Stéphane Richard. Le modèle économique induit pourtant une zone grise entre salariat et travail qui pose problème. Au point qu’aux Etats-Unis, une bataille judiciaire s’est engagée sur le statut des «collaborateurs» d’Uber ou d’Amazon. En France, la mission Terrasse sur l’économie collaborative, en charge de préparer la loi Macron 2 sur l’économie numérique et la loi sur le travail de Myriam El Khomri, va se pencher sur la création d’un statut hybride entre salarié et indépendant. Ce nouveau statut reconnaitrait au collaborateur “indépendant” une part de subordination technologique à la plate-forme, avec des droits associés.
Plutôt que d’inventer des usines à gaz juridiques, il serait, pour FO, bien préférable de conforter les droits et statuts existants. Pourquoi l’économie des plates-formes ne pourrait-elle fournir des emplois pouvant s’inscrire dans le salariat classique ? C’est l’ensemble du statut de salarié et tout l’équilibre économique et social qui sont menacés.
Une « valls » à 3 temps pour dynamiter le Code du travail
La réforme du Code du travail annoncée par Manuel Valls est prévue en 3 temps : d’abord une phase de réécriture des «grands principes» fixés à la fin de l’année par un conseil des sages, ensuite un assouplissement sur le temps de travail d’ici l’été 2016 et enfin un nouveau code écrit dans 2 ans. Trois piliers ont été définis : les droits fondamentaux, les négociations entre partenaires sociaux, et le droit supplétif applicable en absence d’accord. Les principes généraux seront contenus dans la loi tandis que leurs déclinaisons pratiques relèveront des branches professionnelles ou des entreprises. Le Premier ministre promet qu’il n’inversera pas la hiérarchie des normes et ne touchera pas aux droits fondamentaux des salariés. Mais, dans les faits, la casse du Code du travail entamée notamment par les lois Macron et Rebsamen se poursuit. Par exemple, la majoration des heures supplémentaires effectuées au delà de 35h, fixée dans le cadre d’un accord de branche, pourra être remise en cause par accord majoritaire d’entreprise. Un accord d’entreprise pourra également surseoir à la règle des 48h maximum de travail hebdomadaire, sans être contraint à l’autorisation de l’inspection du travail.
Le but du Gouvernement (et du MEDEF) n’est pas de simplifier le droit du travail mais de mettre en cause la légitimité de la loi, liquider définitivement le principe de faveur (qui prévoit que les accords d’entreprises ne peuvent déroger aux accords de branche ou au Code du travail que s’ils sont plus favorables aux salariés), mettre la négociation collective au service de la compétitivité et des employeurs et aboutir à un Code du travail facultatif pour sa plus grande partie.
FO continue à défendre davantage de droits pour les salariés et leurs représentants dans les IRP (CE, CHSCT, DP, DS) et à revendiquer plus de sanctions contre les employeurs qui violent les dispositions du Code du travail.
Retraite : le principe du report des trimestres aux oubliettes
Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, les députés viennent de voter un amendement visant à supprimer la possibilité de reporter sur l’année civile suivante les cotisations non utilisées pour valider un trimestre, lorsque l’assuré avait validé moins de 4 trimestres au titre d’une année. Il s’agissait d’éviter aux assurés qui ont les plus faibles salaires de cotiser pour rien : les intermittents mais aussi les femmes qui occupent la majorité des emplois à temps partiels, les jeunes qui effectuent des petits boulots de courte durée et certains artisans et commerçants qui ne parviennent pas toujours à valider 4 trimestres par an.
L’âge de la retraite menacé ?
Malgré son profond attachement aux régimes complémentaires de retraite et au paritarisme, FO a donné un avis négatif sur l’accord de principe sur l’Agirc/Arrco arrêté entre le patronat et une partie des syndicats (CFDT, CFTC, CGC). En effet cet accord introduit un système d’abattement qui ouvre la porte à un report de l’âge de la retraite. Il inflige à tous les salariés qui remplissent les conditions d’un départ à la retraite à taux plein au régime de base, quel que soit leur âge, un coefficient de solidarité, qui se traduit par un abattement de la pension complémentaire. En pratique, un salarié qui a l’âge légal et le nombre de trimestres requis devra attendre un an de plus s’il ne veut pas subir un abattement de 10 % pendant trois ans. Dans le contexte actuel de négociation du TPS à Orange ce possible report de l’âge de la retraite aurait sans doute des conséquences. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés.
Non aux droits à la carte !
FO s’élève contre le projet de réforme du droit du travail qui doit, comme l’a réaffirmé le chef du gouvernement, faire objet d’un projet de loi « discuté et voté par le Parlement avant l’été » prochain. Il s’agit en effet de faire voler en éclats tout ce qui fait le socle social de notre république. Soumis aux accords d’entreprise qui primeront sur les règles, jusqu’alors communes, du code du travail, les salariés ne seront plus égaux devant la loi. C’est une balkanisation de plus et la porte ouverte au dumping social. Et puisque le rapport de la mission Mettling sur la digitalisation doit sortir prochainement, nous réaffirmons que celle-ci ne doit pas être un argument supplémentaire pour justifier cette destruction massive. La numérisation doit, au contraire, apporter une amélioration des conditions de travail.