Alors que le besoin d’investissement pour déployer les infrastructures et la fibre est de plus en plus pressant, la pression de la régulation européenne sur les opérateurs télécoms ne se relâche pas pour les obliger à réduire leurs prix, au nom d’une doctrine consumériste mortifère pour le secteur (simple exemple : une offre d’abonnement mobile à 12€ en France s’élève à 65€ aux USA). Il en résulte une stagnation de leurs revenus et de leurs marges. Bien qu’ils continuent à investir massivement (en 10 ans près de 70% du cash d’Orange ont été mobilisés pour l’investissement, notamment réseau), ils ne parviennent pas à dégager de la croissance sur un marché qui détruit valeur et emploi. Seul Deutsche Telekom réussit à augmenter son chiffre d’affaires et sa marge grâce à une diversification réalisée aux Etats-Unis et Orange parvient à limiter les dégâts et reste dans le quatuor de tête européen. Les investisseurs l’ont bien compris comme en témoigne l’évolution de la capitalisation boursière des opérateurs télécoms (-17% en Europe sur 2017-2018). Cela explique aussi la scandaleuse sous-évaluation boursière d’Orange.
Globalement, la place des opérateurs télécoms ne cesse de régresser sur le marché mondial du numérique au profit des services internet et IT&Software qui affichent, quant à eux, une croissance impudente (12% en 2019), dans le contexte de la révolution digitale. Pas gênés par les régulateurs (ni par le fisc !), les GAFAM et les BATX (sigle pour les 4 chinois : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) doivent leur succès à une puissance innovatrice redoutable, réalisée grâce à des investissements colossaux, notamment en R&D. On prévoit ainsi qu’en 2025, les services internet passeront devant les télécoms et deviendront le premier marché mondial du numérique.
Les régulateurs européennes (et français) vont-ils, enfin, modifier leur politique, cesser de contrarier le développement de leurs opérateurs, faire émerger un plan de relance des nouvelles technologies et créer des méta-plateformes numériques en mesure de tenir tête aux géants américains ou chinois ? Encore faudrait-il sortir de la fragmentation européenne qui empêche toute stratégie commune cohérente et abandonner le dogme concurrentiel.